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Extravagantes et hors du temps, les nuits tropéziennes aimantent tous les fêtards de la planète. Reportage en plein décalage... horaire.
Christophe Ono-dit-Biot
Ainsi parle Jean-Roch sous sa casquette siglée , en réajustant le bracelet en éponge qui orne, façon tennisman, ses avant-bras bronzés. Ainsi parle Jean-Roch, et ce n'est pas un reporter fatigué qui ira le contredire. D'abord parce qu'en tant que patron du VIP Room, la boîte de nuit du nouveau port où l'on annonce en lettres gothiques un , il est l'un des mieux placés pour le savoir. Ensuite parce que si Jean-Roch, qui voulait devenir joueur de foot professionnel, est devenu patron de boîte à 17 ans, c'est que ça a un rapport avec le sport. Enfin parce que Saint-Tropez est l'un des rares endroits au monde où la nuit commence le jour. La condition physique y est donc primordiale, même si le dopage est largement autorisé.
Pas étonnant donc qu'à Saint-Tropez un reportage de nuit commence dès 15 heures, sur la selle d'un scooter filant en direction des plages de Pampelonne. Première étape de ce voyage au bout de la night, l'incontournable Voile rouge et son défilé de mode rythmé par le DJ. Debout sur les tables, en talons aiguilles, de drôles de créatures aux seins moulés dans des dentelles vert pomme ou de la fausse fourrure se déhanchent sous le regard de trois émirs en tenue de plage imbibés de Perrier-Campari. Ni une ni deux, réflexe pavlovien, les autres mâles se mettent aussitôt à danser tandis que leurs compagnes se pressent vers la boutique de la plage : elles veulent elles aussi leurs dentelles. Tout cela n'est pourtant qu'une mise en bouche. Car les choses sérieuses commencent un peu plus loin, en retrait de la plage des Jumeaux, où les filles bronzent en Stetson, au Nikki.
Malgré son nom, le Nikki Beach n'a rien d'une plage, mais, comme le note Frédéric Beigbeder dans sa bande dessinée , ressemblerait plutôt à . Un peu sévère, surtout quand, l'année dernière, c'est Albert de Monaco qui s'y abreuvait, poussé à l'eau par une cour de petits farceurs. Et puis d'ailleurs totalement faux, puisque comme le dit l'un de ses managers en caressant le signe du dollar qui orne son collier en similor, le Nikki Beach est . Oh, il ne faut pas s'en formaliser, mais comprendre simplement qu'ici on ne boit pas que du lait-fraise. La preuve par le pitcher, un vase carré d'au moins 3 litres rempli à ras bord de . On vous l'a dit, Saint-Tropez, c'est du sport. Dans le carré Vip, déployé sur des matelas blancs autour de la piscine,
, explique Eric, le boss. Et il a raison, Eric : il est vraiment petit, cet univers, se réduisant même, lorsque la musique monte crescendo, aux dimensions d'un écran de télévision qui passerait en boucle le même clip de R'n'B. Eclipsant les clones du sex-symbol Beyoncé, les pin-up blondes hésitent encore entre le style Loana (tropézienne l'année dernière) et le look Paris Hilton (tropézienne cette année ?), tandis que les caïds, russes ou anglais, claquent 5 000 euros en un après-midi. Ça vous choque ? Vous avez tort ! , explique le jeune homme avec un $ doré autour du cou.
D'accord, mais on n'a que trois jours, alors il faut faire vite. D'autant que les notes de frais ne prévoient pas le champagne-service. Ni les mannequins venus de l'Est. Après une petite sieste, on file vers les hauteurs. Dans les fameux parcs de Saint-Tropez où les capitaines d'industrie, d'Owen-Jones à Seydoux en passant par Tony Murray, reçoivent .
Voilà ce qu'on entend à peine arrivé dans la villa éclairée par des torches. Ambiance . Il est 22 heures et la nuit est tombée. Autour de la piscine où flottent de grosses bougies carrées, une foule de beautiful people internationaux pépie. Les femmes y sont vêtues de microrobes décolletées jusqu'au nombril quel que soit l'âge de celles qui les portent, ce qui réserve des surprises dont on se serait parfois bien passé. Près du buffet, monté sur des chaussures pointues, un petit homme qui ressemble à Joe Pecci agite les bras dans sa chemise Versace, tandis que Jean-Roch, fringant dans son pantalon D & G, parle d' avec le maître de céans.
L'art-clubbing ? Une façon d'aller en boîte comme on irait au musée. Comprenez qu'il est possible, au Vip-Room, de danser en regardant les Basquiat prêtés par le galeriste Enrico Navarra plutôt que les filles de 1,85 mètre dont la robe se limite à une bande de tissu au niveau de la poitrine. L'idée est bonne, mais il va falloir qu'il fasse quand même très attention à ses tableaux, Enrico : la veille, en effet, deux Pakistanais se sont battus à coups de bouteilles de champagne. Du coup, on y va, au VIP. Hélas, refoulé du carré (VIP) - on est peu de chose -, on se contente d'un Coca-Cola à 15 euros au bar avant de filer vers le centre. Direction le El Loco Zen, où l'on boit un mélange de vin rosé, de sirop de pêche et de limonade (le Ice Tropez), puis La Villa Romana.
Minuit et demi. Dans un décor empruntant autant au carnaval de Venise qu'à une rétrospective de Botero, un dénommé Luigi montre ses fesses à qui veut (et qui ne veut pas), tout en s'époumonant dans un sifflet d'argent pour que les gens laissent passer les serveurs. , susurre-t-il, très folle, tandis que Marcel Desailly ouvre de grands yeux devant les desserts sortis d'une orgie romaine d'où jaillissent des fusées éclairantes. Au fond, assis sur un trône, un Petit Prince habillé en Chanel dîne tranquillement d'une minuscule pizza entouré de bouteilles de champagne et de ses trois amis : un Chinois aux cheveux longs, un Anglais en tee-shirt et une Espagnole déguisée en pharaonne. Moyenne d'âge 18 ans. Leurs projets ? , répond l'Anglais en vous menaçant d'une massue en plastique.
Ah, les Caves ! Avec le VIP et le Papagayo, elles forment la troisième pointe du triangle d'or de la nuit tropézienne. Un triangle où continue à se bâtir la légende de la presqu'île, et où le reporter, vaguant de l'une à l'autre, peut faire les plus belles découvertes. 2 000 euros reçus en pourboire par une serveuse qui aura eu la chance de servir dans le carré Vip, et 500 euros pour le voiturier. 23 000 euros laissés par un Russe, au . Et puis ce duel sans merci entre un richissime Anglais venu de l'immobilier asiatique et deux habitués pakistanais. , lance un témoin revanchard. Les n'en avaient acheté qu'une. 25 000 euros quand même. De quoi montrer à leurs accompagnatrices moscovites qu'ils ont les reins solides. 2 000 euros la nuit pour les deux, commission comprise pour les rabatteurs venus de Paris. , souffle une connaissance aux yeux rendus mélancoliques par le souvenir d'une belle amie kazakhe qui vient juste de s'éclipser avec ses congénères. Vers une villa inaccessible, un yacht comme le où les filles nues s'utilisent comme plateau à sushis ?
6 heures du matin. Le soleil se lève. Sur le port, le type à la chemise Versace aperçu dans la villa pleure dans son portable. Imperturbables dans leur tenue très , les bodyguards du port veillent sur le , le yacht du fils Kadhafi. Après un dernier verre sous les caves voûtées de L'Esquinade, surnommée L'Esquintade par les Tropéziens , il serait bien temps de rentrer. Mais poussant la conscience professionnelle jusqu'au bout, on termine quand même chez Stefano Forever. , dit la carte de ce phare des tropéziens lové en bord de plage. Une boîte-théâtre baroque et décadente comme un cauchemar fellinien avec entrée monumentale, sculptures d'éphèbes et trônes dorés où, la veille, 1 000 quidams ont dansé jusqu'à 9 heures du matin. Aujourd'hui, il n'y a personne. Juste une femme de 40 ans, encore belle, entourée de quatre postados marchant à la vodka-cola, et d'une polonaise. Ils sont repartis, hurlant dans leur cabriolet, à tombeau ouvert. 8 h 30 : la nuit commence le jour, mais quand s'arrête-t-elle ?